Prix du polyéthylène

Les prix du polyéthylène

 reflètent les changements structurels du marché


 

La plasturgie et la pétrochimie européennes se préparent depuis plusieurs années à affronter des changements structurels inévitables sur le marché du polyéthylène. Ce dernier est en effet perturbé par des transferts de production à l’échelle globale. La construction et le démarrage de plusieurs sites de production de grande taille au Moyen-Orient, motivées par les coûts comparativement plus bas des feedstocks, concurrencent fortement les installations européennes qui perdent en compétitivité. Ces développements touchent particulièrement les grades PEHD et PEBDL produits via des procédés à basse pression.

 

Les effets de ce changement structurel majeur se font sentir plus que jamais. Les plasturgistes sont de plus en plus régulièrement confrontés à des situations de crise, comme à chaque fois qu’un ordre traditionnel prend fin. Des problèmes d’approvisionnement et des pénuries apparaissent soudainement et fréquemment, et les industriels doivent s’adapter à leur nouvel environnement.

2011 ou la racine du problème

Le printemps 2011 est considéré par certains analystes comme le point de départ de la situation actuelle. Les marges des producteurs de polyéthylène avaient en effet enregistré une forte croissance en 2010, pour s’effondrer au second trimestre de l’année suivante.  Les PEBD-L et les PEHD ont d’ailleurs presque atteint leur niveau le plus bas à la fin de cette année, avec un spread de tout juste 100 euros/tonne avec l’éthylène. Seule la crise de 2008 avait provoqué de plus graves difficultés pour les producteurs, avec notamment des taux de marge négatifs.

Les producteurs ont donc ressenti le besoin de consolider leur production et ont donc pris les mesures nécessaires. En conséquence, 10% des capacités européennes de production de PEHD et de PEBD-L ont été supprimées entre 2012 et 2015.

 

Tableau 1 : Fermetures de sites de production de PE en Europe 2010-2015 (source : Polyglobe)

Producteur

Site

Année de fermeture

Capacités (tonnes annuelles)

Matériau

Borealis

Beringen

2010

100 000

PEHD

Versalis

Porto Torres

2011

140 000

PEHD

Versalis

Priolo

2012

300 000

PEBD-L

Dow

Tessenderlo

2013

180 000

PEHD

LyondellBasell

Wesseling

2013

100 000

PEHD

Versalis

Gela

2013

300 000

PEBD

Total

Lillo

2014

70 000

PEHD

Borealis

Burghausen

2014

175 000

PEHD

Repsol

Puertollano

2015

95 000

PEHD

 

Ces baisses de production ont été compensées par un sursaut des importations, notamment pour les PEBD-L. Elles ont augmenté de 200 000 tonnes en un an pour ce seul matériau (2010-2011) dans l’Europe des 28, pour atteindre 1,06 millions de tonnes en 2013. Les importations de PEHD ont quant à elle augmenté de 250 000 tonnes entre 2010 et 2011, pour culminer à 1,25 millions de tonnes deux ans plus tard. Cette croissance moindre des importations s’expliquait par la production encore sur-capacitaire de l’Union Européenne à cette époque.   

 

Les producteurs européens de polyéthylène ne se sont cependant pas contentés de simples mesures de consolidation. Ils ont également pratiqué un lobbying acharné auprès de Bruxelles afin de mettre en place des droits de douane sur les importations de PE en provenance du Moyen-Orient.  L’UE a répondu favorablement à cette demande en augmentant ces taxes, qui sont passées de 3% à 6,5% le 1er janvier 2014.

 

Cette nouvelle barrière à l’entrée a semblé porter ses fruits dans un premier temps, avec une baisse sensible des importations de certains grades observée la même année.  Les volumes de PEBDL importés ont chuté de 300 000 tonnes et ceux de PEBD de 130 000 tonnes. Les exportations européennes d’autres matériaux ont en revanche augmenté sur la même période. Les producteurs de PEBD ont exporté 120 000 tonnes de plus, et les producteurs de PEHD ont augmenté leurs exportations de 125 000 tonnes, et ce malgré les consolidations pratiquées.

 

Gare à l’euro faible défavorisant les prix du polythylène

La hausse des exportations de certains grades de polyéthylène décrite ci-dessus laisse entendre que l’équilibre import-export de l’Union Européenne n’était pas uniquement influencé par les nouveaux tarifs douaniers. On observe en effet la survenue d’un nouveau facteur dès le milieu de l’année 2014 : la faiblesse de l’euro face au dollar US. Ce déclin de la monnaie européenne s’est notamment accéléré en 2015 et n’a malheureusement pas joué en faveur des plasturgistes.

 

 Les matériaux européens, rendus attractifs par des prix plus bas du fait causés par les fluctuations monétaires, se sont arrachés comme des petits pains dans le reste du monde. Les producteurs en ont donc profité pour réduire artificiellement l’offre sur-capacitaire du Vieux Continent. La faiblesse de l’euro rendait en revanche les importations plus coûteuses, réduisant leur compétitivité vis-à-vis des prix pratiqués sur le territoire européen. Or, ces prix bas n’ont pas fait que chasser temporairement les producteurs étrangers. Ces derniers se montrent encore réticents à vendre leur production en Europe, puisque leurs marges ne sont toujours pas considérées comme suffisamment importantes pour y revenir.

Conjugaison de facteurs défavorables

Après des années de consolidation de la production, l’offre européenne de polyéthylène est devenue légèrement déficitaire par rapport à la demande. Les sites de production sont d’ailleurs vieillissants, et nécessitent des cycles de maintenance plus longs, réduisant sensiblement l’offre de manière régulière. A cela s’ajoutent les incidents provoquant l’arrêt pur et simple de la production de certains sites, comme les Forces Majeures. Ces dernières ont été particulièrement nombreuses en 2015 et ont négativement impacté le marché européen des commodités. A cela s’ajoutent un faible volume d’importations de matériaux et la difficulté des plasturgistes à prévoir les livraisons en provenance de l’étranger pour qu’elles arrivent au bon moment.

 

Dans un contexte de forte demande en polyéthylène, le manque d’investissements de la part des producteurs de polyéthylène a de quoi inquiéter. En situation de forte réduction de l’offre, un contexte d’ailleurs de plus en plus fréquent, les plasturgistes doivent ironiquement s’en remettre à l’augmentation des prix du polyéthylène . Seules des perspectives de marges attractives susciteront un regain des importations et donc un soulagement des tensions de marché.

 

Sources :

ARGUS Media, « Europe PP margins to outperform PE », 2017

Plastics Information Europe, « Annual Review 2015 », 2016

ICIS, « Europe polyolefins market to grow by 1% anually to 2025 – executive », 2017

Plasteurope, « European polyethylene market », 2016

 


L'AFR propose une veille économique et technique pour suivre les tendances du marché et accompagner les plasturgistes vers une meilleure lisibilité de leur environnement. Par exemple, le suivi des évolutions du prix des matières premières est matérialisé par un baromètre mensuel disponible dans l'espace adhérent. Découvrez l'ensemble des services proposés par l'AFR >>>